Et encore ...
L’HABITUDE TUE L’AMOUR
« Bien sûr, nous eûmes des orages, Vingt ans d'amour et l'amour passe… »
dit Jacques Brel dans un de ses plus remarquables poèmes chantés.
Il est certain que l'habitude, la vie commune, mais en fait la connaissance même de l'autre, diminue souvent progressivement le sentiment amoureux jusqu'à ce que la brillante flamme du départ ne soit plus qu'une étincelle qui s'éteint un jour sans bruit.
Mais il est vrai aussi que certains aiment à la façon des feux de paille : vite embrasés, vite disparus, leur sentiment amoureux lassé en l'espace de quelques semaines, voire de quelques jours seulement. Ils laissent alors souvent l'autre désemparé, en proie à l'angoisse, à l'incompréhension, puis à la tristesse. Comment cela s'explique-t-il? C'est que le cerveau émotionnel de chacun fonctionne selon un rythme d'activation différent. Dans le système limbique, la « lassitude amoureuse », devrait-on dire, correspond à une diminution de la stimulation du système de plaisir qui fonctionne peu à peu de moins en moins souvent. Les causes en sont multiples : diminution du nombre des rapports sexuels par « habitude physique », des événements excitants comme les soirées, les sorties imprévues, les cadeaux dont la cause essentielle — « faire la cour » — a disparu (l'autre semblant maintenant « attaché » à soi), disparition aussi du plaisir ressenti à conquérir l'autre[1]. Tout cela contribue à un même effet : le système de récompense ne joue plus, n'étant plus activé. Par là même, c'est la stimulation de tout le système de plaisir qui diminue et avec elle la production des morphines naturelles. Cela alors même que le cerveau émotionnel en a le plus grand besoin.
Il se produit en effet avec les endorphines le même phénomène qu'avec toutes les morphines : l'accoutumance. C'est-à-dire que pour obtenir un même effet de joie, d'euphorie et de plénitude, la dose de morphiniques stimulantes doit être de plus en plus grande. Or l'organisme ne peut sécréter des endorphines de façon illimitée : il atteint au bout d'un certain temps un palier maximal, qu'il ne peut dépasser alors que de façon exceptionnelle.
Le cerveau émotionnel connaît alors une phase de satisfaction progressivement décroissante. L'accoutumance précède l'habitude, qui précède l'ennui, qui précède la rupture d'avec le partenaire habituel pour en rechercher un autre qui stimulera à nouveau le système de plaisir.
À moins que l'on n'ait su compenser cette accoutumance aux endorphines par une stimulation régulière du système de récompense par le biais des synapses du plaisir. On sait que ces dernières fonctionnent, non avec des endorphines, mais avec de la dopamine. Celle-ci est une des principales catécholamines, hormones sécrétées par l'organisme, dans toutes les situations de stress. Le stress doit être ici considéré dans son bon sens : une situation excitante pour le système nerveux et hormonal du corps. Danser, chanter, faire du sport, peindre, créer, découvrir des activités nouvelles ou des pays inconnus sont ainsi autant de stress positifs pour l'individu qui, amené à s'adapter ainsi à un nouvel environnement, sécrète alors des catécholamines excitantes pour son système de plaisir. C'est pourquoi le renouveau, la surprise, les changements dans la vie commune sont bénéfiques aux amoureux qui commencent à se lasser l'un de l'autre. Savoir combattre l'accoutumance de son système de plaisir, c'est savoir se servir de « ces petits riens qui font tout ».