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LE CHAGRIN D’AMOUR : UN MANQUE D’ENDORPHINES
« Un seul être vous manque, et tout est dépeuplé… » L'hypothèse de la saturation du cerveau émotionnel en endorphines lors du bonheur amoureux expliquerait le phénomène que représente le chagrin d'amour qui suit une rupture amoureuse.
En effet, le comportement de la personne abandonnée par l'être qu'elle aime présente des signes tout à fait ressemblants avec ceux observés chez les drogués en manque de morphine : anxiété permanente, insomnie, agitation, irritabilité, agressivité à l'égard de son entourage, troubles auxquels succède une phase de repli, de prostration, de désintérêt pour le reste du monde.
Ne peut-on alors concevoir, toujours dans l'hypothèse « morphinique » de l'amour, que la rupture amoureuse corresponde à un véritable « sevrage » brutal en endorphines du cerveau émotionnel et le chagrin d'amour à un « manque » en morphines endogènes?
Raisonnement théorique certes, mais que l'expérimentation semble laisser entrevoir comme valable. Ainsi, le petit singe privé soudainement de sa mère, puis consolé par la présence, dans sa cage, de camarades de jeu du même âge, présente tous les signes de la rupture affective si on lui administre une substance antimorphine qui fait chuter le taux cérébral des endorphines : la naloxone. Exemple frappant de ce lien entre les morphiniques et le bonheur affectif.
Autre exemple : toutes les personnes ayant subi un choc affectif ou un abandon amoureux brutal parlent de la « souffrance » qu'elles ressentent. Cette souffrance, morale et non physique, est bien connue des psychiatres qui soignent des déprimés. Elle est tout aussi réelle que la douleur ressentie sur un membre ou un organe, si ce n'est plus. L'âme humaine est infiniment plus vulnérable que le corps et les traumatismes qu'elle subit ô combien plus pénibles.
LES MÉDICAMENTS DU CHAGRIN D’AMOUR
Si le chagrin d'amour repose sur une perturbation biochimique, il doit être possible de le traiter. C'est effectivement le cas. Nous disposons à l'heure actuelle de médicaments, nommés thymo-analeptiques, c'est-à-dire stimulants de l'humeur, qui agissent sur les trois principaux neurotransmetteurs impliqués dans la tristesse et la dépression : ce sont les antidépresseurs.
Ils agissent sur des synapses des circuits nerveux utilisant ces catécholamines — dopamine, sérotonine, noradrénaline — appelées aussi « mono-amines », de plusieurs façons : Ils peuvent :
— diminuer leur dégradation dans la fente synaptique par une enzyme, la MAO ou mono-amine-oxydase (il s'agit alors d'inhibiteurs de la mono-amine-oxydase ou IMAO ; très efficaces, ils posent cependant de nombreux problèmes de tolérance — baisse de la tension artérielle — et interdisent la prise simultanée de très nombreux médicaments et aliments ; ils ne sont donc guère d'une utilisation pratique) ;
— augmenter la sécrétion initiale par le neurone de ces neurotransmetteurs ou bloquer le « recaptage économique » qu'il effectue normalement immédiatement après les avoir largués dans la synapse (en empêchant ce recaptage, ils augmentent la quantité en action dans la fibre synaptique ; on appelle ces médicaments les antidépresseurs tricycliques, leur usage est simple, leurs effets secondaires — bouche sèche — minimes) ;
— intervenir sur l'un ou l'autre de ces mécanismes ou rendre plus sensible le récepteur aux neurotransmetteurs, (ce sont les dérivés des tricycliques, ou d'autres antidépresseurs plus récents, les tétracycliques, qui n'ont quasiment aucun effet secondaire).
Mais comment choisir l'antidépresseur qui convient à la forme d'état dépressif que présente une personne? La solution classique consiste à évaluer deux « pôles » de troubles chez la personne en les opposant : le pôle de prostration, d'inhibition et le pôle d'anxiété. Dans le premier cas, on emploiera un médicament très stimulant, qualifié du terme de désinhibiteur, dans le second un antidépresseur calmant aussi l'anxiété, du type dit sédatif.